S'il faudrait bien plus d'un article pour circonscrire la crise d'adolescence, un seul suffira à la résumer.
On pourrait se contenter de dire que la crise d'adolescence est une période marquée par le rejet. Notamment le rejet, pour l'adolescent, d'avoir à assumer la réalité imposée implicitement par les parents. Parents qui, dans ce cadre, seraient plus symboliques[footnote] que physiques.
Même si cette définition est acceptable, elle reste trop concise. Essayons donc de la développer.
Quand on parle de crise d'adolescence, on admet que les deux mots composant l'expression sont inextricablement liés. C'est-à-dire que tôt ou tard, que ce soit à 13, 15 ou 18 ans, l'adolescent se révoltera. Eh bien, nous prétendons qu'un tel raccourci est faux, que la crise d'adolescence n'est pas inévitable. Il est vrai que les caractéristiques sociales contemporaines favorisent les risques de repli sur soi et de crise identitaire[footnote]. Pour autant, la crise d'adolescence n'est pas une fatalité. Au point qu'il n'est pas déplacé d'espérer voir l'enfant traverser son adolescence sans heurts.
La crise d'adolescence n'est pas une fatalité.
En des termes très simples, l'adolescence est le stade suivant l'enfance et précédant l'âge adulte. S'il est possible de décomposer encore l'enfance et l'âge adulte en plusieurs autres stades, il n'en reste pas moins vrai que l'homme traverse trois étapes essentielles au cours de son existence. Enfance, adolescence, âge adulte. En tant qu'étape intermédiaire, l'adolescence est donc une période de transition.
De définition en définition, demandons-nous ce qu'est une transition.
Une transition est une progression d'un état à un autre. Les deux états catalysent la transition, chacun à leur manière, lui donnant son sens. L'état de départ est ainsi perçu comme un objet de renonciation obligé, l'état d'arrivée comme un objet de conquête motivant. L'abandon du premier état, de même que l'ambition du second, s'apparentent à des promesses de profit, de parachèvement, si ce n'est de plaisir.
Ainsi le moteur de l'adolescence, c'est-à-dire ce qui la rapproche irrésistiblement de l'âge adulte, c'est la renonciation à l'enfance. Comme si le monde de l'enfance était devenu trop étriqué ou trop ennuyeux pour l'adolescent. Qu'il lui fallait voir autre chose. Grâce à l'impulsion de l'enfance, impulsion reposant sur un héritage global, mais aussi sur une volonté de rupture, l'adolescent devient peu à peu adulte.
Le moteur de l'adolescence, c'est la renonciation à l'enfance.
À ses yeux, la perspective d'un monde nouveau est enivrante. Elle a aussi de quoi inquiéter, car « nouveauté » rime avec « inconnu ». Un élément en particulier est susceptible d'alimenter ces deux sentiments. Le monde adulte, c'est un système dans lequel la réalité subjective a supplanté le rêve, alors que dans l'enfance, la réalité subjective se mélange au rêve. Et il peut être angoissant d'abandonner le rêve, car c'est un repère ancestral auquel on renonce. Plus positivement, le monde des grands peut être perçu comme le monde où le rêve a pu être dompté, donnant à ce monde un côté à la fois sérieux et rassurant, car celles et ceux qui s'y trouvent maîtrisent leurs destinées.
La conscience d'une telle métamorphose porte un nom, il s'agit de la maturité.
Pour rester dans le sens des mots, comment définir une crise, toujours d'un point de vue général ? Contrairement aux idées reçues, une crise n'est ni un acte de folie, ni une pulsion aveugle, mais bien une réaction logique. Quand l'être humain traverse une crise, il réagit[footnote]. Il réagit à un certain chemin que la vie lui propose et qu'il aimerait d'ailleurs emprunter. Mais en s'apercevant qu'il ne pourra pas relever le défi, assumer la responsabilité, il éprouve une grande frustration et il l'exprime de la façon la plus brute qui soit.
En d'autres termes, une crise peut être vue comme la résultante d'un sentiment d'inadaptation subjectif, face à un enjeu objectif.
Une crise peut être vue comme la résultante d'un sentiment d'inadaptation.