Le fait qu’un enfant obéisse à ses parents est utile à l’enfant, car alors il adopte une posture d’écoute nécessaire et bénéfique. C’est aussi utile aux parents, au moins pour les deux raisons suivantes.
L’obéissance, en tant qu’acceptation volontaire d’une référence par ailleurs indispensable, est le prélude à toute transmission. À l’instar du respect de l'enseignant qui préfigure la transmission de ce que la didactique nomme le savoir savant, l’obéissance aide le parent à transmettre à l'enfant ce qui l'aide à grandir.
Un autre bénéfice pour le parent, plus inattendu, réside dans possibilité d'une rétrospection[footnote] de sa propre enfance. En étant témoin de l'évolution de son enfant, entre adhésion, désaccord et progrès, le parent se remémore l'enfant qu'il fut avec ses propres parents. Alors il comprend, il apprend, mais aussi il répare mentalement ce qui doit être réparé. En remodelant son enfance passée à l'aune de sa perception d'adulte, le parent acquiert une forme de maturité inédite et qui profite indirectement à son enfant.
En remodelant son enfance passée à l'aune de sa perception d'adulte, le parent acquiert une maturité inédite.
Cependant, et c'est ce que cet article entend expliquer brièvement, la propension de l'enfant à obéir aux injonctions parentales peut, dans certains cas, engendrer des effets pervers inattendus.
Avant toute chose, il importe de réaliser qu'aux yeux de l'enfant, il n'est pas plus grand accomplissement que d'obéir à ses parents. Pour quelle raison ?
L'enfant possédant peu de conscience, de force de projection, d'aptitude au discernement et de force d'affirmation[footnote], se réaliser en tant qu'individu lui est encore interdit. Se réaliser est cependant l'ultime but de l'homme. C'est aussi une tâche complexe, dont l'apprentissage commence justement dès l'enfance, et se poursuit encore à l'adolescence.
Ce cursus existentiel, si l'on peut l'appeler ainsi, amène l'enfant à caractériser ce qu'il est, et ce qu'est le monde. Des repères s'élaborent, des analogies émergent, donnant lieu à des ponts qui, pour l'enfant, symbolisent les routes immatérielles du désir et de la satisfaction. Quand l'enfant choisit un pont entre tous puis l'emprunte, il expérimente intimement la sensation de devenir.

Or, et c'est là le point clé, l'avènement même des ponts a été rendu possible par l'impulsion des parents. L'enfant le sait, sans doute même il le sent. Quand il chemine sur ces ponts, il marche sur les traces de ses parents. Ce qu'il perçoit alors lui semble familier, rassurant et bon. Il s'y accroche naturellement avec confiance.
Les parents occupent donc une place de premier plan chez leur enfant. Si l'adulte pourra longuement disserter de sa portée psychique, pour l'enfant, c'est une évidence. Sans avoir besoin ni d'explication, ni de démonstration, l'enfant voit ses parents comme la plus authentique expression de la vérité[footnote].
L'enfant voit ses parents comme la plus authentique expression de la vérité.
Pour l'enfant, le parent est, doit être, ne peut qu'être une volonté bienveillante autorisée à se substituer à la sienne, afin de le guider et de le protéger. À chaque instant de sa vie, l'enfant attend de ses parents une orientation, un conseil, une posture, en bref une grille de lecture pour l'aider à décoder un monde qu'il aspire à faire sien.
Là réside le nœud de toutes les souffrances liées à l'enfance.