Face à un problème, on cherche naturellement à trouver une solution, au sens où l'on cherche à bâtir une solution apte à résoudre le problème. Mais serait-on prêt à accepter de suite une solution qui, en fait, existerait déjà ?
La question est plus fréquente qu'on ne le croit. En fait, elle est aussi fréquente que ces difficultés qui ont la fâcheuse tendance à durer. Ces problèmes qui durent au point qu'il est légitime de chercher à comprendre si le sujet qui en souffre ne serait pas, avec le temps, devenu son propre bourreau. Comment cela ? En faisant justement en sorte que son propre problème se prolonge.

Mais qui serait assez insensé pour agir de la sorte ? Et puis, quel serait l'intérêt ?
En analyse, on préfèrerait un autre type d'interrogation. En pareil cas, on se demanderait quel serait le profit. En effet, hormis certains cas heureusement rares, l'être humain ne fait rien sans s'être projeté au préalable. La projection sera consciente ou non, mais elle sera.
L'être humain ne fait rien sans s'être projeté au préalable.
Dit autrement, tout acte fruit de la pensée humaine a un but, car il répond à une intention qui le porte, depuis l'idée jusqu'à la réalisation. Une intention parfaitement calculée, même si la logique sous-jacente peut dérouter, vu de l'extérieur.
Revenons à ces personnes qui, osons-nous écrire, entretiennent leurs problèmes. Elles le font selon une série de règles le plus souvent inconscientes. En d'autres termes, elles orchestrent malgré elles un processus qu'elles ignorent[footnote].
Et leur « profit », quel est-il ? Manifestement, de vivre aux côtés de leurs problèmes. « Vivre », « problèmes », les notions sont antinomiques : les problèmes gâchent la vie ! Et pourtant, le profit que nous cherchons dort précisément dans ce paradoxe.
Se définir en fonction de son propre échec confère une fonction et même une place au sein de la société. Une place peu enviable, c'est vrai, mais une place tout de même.
Ce peut être la place de celui qui est à plaindre, car la vie n'a pas été tendre avec lui. Ce peut être également la place de celui qui se met en scène dans un scénario délirant, au moyen duquel il exprime à ce[footnote] ou à ceux[footnote] qui jadis l'ont étouffé, le résultat de leur cruauté. Cela ressemble à porter une pancarte sur lequel il serait écrit : « Voyez ce que vous avez fait ! ».
Une forme de dédicace posthume entre fantasme et réalité et qui, de ce fait, dérange.
Nous comprenons pourquoi il n'est pas exagéré de se demander si l'on serait positivement prêt à accepter d'emblée une solution qui existe déjà. Peut-être préférerait-on la considérer sans vraiment faire l'effort de la voir. Peut-être préférerait-on la refuser en bloc. Car on aurait quelque chose à perdre, quelque chose de précieux : une place.