Note importante : dans cet article, à part dans le premier paragraphe, le mot « terroriste » sort de sa définition usuelle. Il renvoie à l'individu dont la frustration est si puissante, qu'il en vient à terroriser les autres.
Au quotidien, les actualités donnent à voir le triste spectacle de ces tyrans modernes que l'on appelle des terroristes. Si bien que chacun connaît à quoi ils ressemblent et ce à quoi ils aspirent. Un homme masqué, armé et le ton menaçant apparaît à l'écran ? Les sous-titres sont inutiles. On sait déjà ce qu'il est.
Il existe pourtant d'autres terroristes. Car non, tous les terroristes ne sont pas armés d'un fusil d'assaut. Tous ne portent pas une ceinture explosive. Ceux dont je parle sont des tyrans à l'air beaucoup plus inoffensif. Moins sinistres, sans doute, même s'ils partagent le désir de noyer le monde sous des déferlantes de haine.
En fait, il se peut même que l'un d'eux loge entre vos murs. Qu'il vive là, tout près de vous. Ne vous retournez pas, cela pourrait s'avérer inutile. Peut-être s'agit-il de vous qui lisez ces lignes ? Peut-être s'agit-il de moi qui les écris ? Allez savoir. Nous sommes tous des tyrans en puissance.
Quand j'étais adolescent, je me souviens d'un camarade particulièrement mal dans sa peau.
À vrai dire, je l'aimais bien. Au-delà de son air maussade, il parlait brut mais il parlait vrai. Les gens qui souffrent, étant par là même préservés de nombreuses formes de superficialité, ont pour eux cette lucidité un peu grave. Les messages qu'ils délivrent semblent rebutants, bien sûr. Mais ils ont tellement de sens.
Les gens qui souffrent ont pour eux cette lucidité un peu grave.
Donc, ce jour-ci, nous discutions des métiers que lui et moi pourrions exercer une fois adultes. Passablement aigri, il lâcha soudain :
— Plus tard, je crois que je serai un terroriste.
Aujourd'hui j'entends encore ses mots, même si je les comprends différemment.
Tout être humain a besoin d'éprouver de la joie. C'est pour ainsi dire un besoin vital. La joie incarne et entretient dans le même temps le mouvement de la vie. L'humeur opposée, la mélancolie, étouffe ce mouvement et impose une véritable mort psychique.
Qu'est-ce que la joie ? C'est ce moment un peu magique où la volonté se superpose soudain avec la réalité.
Quand la Michna enseigne que le Maître de maison presse[footnote] ou quand la Torah enseigne : « Car c'est à la hâte que tu es sorti du pays d'Égypte »[footnote], il est question de ce que nos Sages nomment l'empressement ou la hâte... de la Présence divine. Cette expression a plusieurs significations, en voici une.
D.ieu a créé toutes sortes de créatures. Certaines sont matérielles, par exemple les plantes. Certaines sont spirituelles, par exemple les anges. Certaines sont à la fois matérielles et spirituelles : il s'agit de l'être humain. Certaines enfin ne sont ni matérielles, ni spirituelles : il s'agit des démons. L'âme est une créature parmi d'autres, particulièrement pure puisqu'elle est appelée une part du D.ieu là-haut[footnote].
Eh bien, de même que D.ieu « presse » si l'on peut dire, l'âme qui provient de Lui exerce une certaine pression. C'est une pression existentielle qui pousse l'individu à se réaliser. À laisser l'âme qui l'anime, exprimer en ce monde matériel une énergie spirituelle, provenant d'un monde plus raffiné.
À l'image d'un tuyau véhiculant un liquide sous pression afin de le projeter dans une certaine direction, il existe un tuyau capable de véhiculer et d'orienter l'âme. Nous le connaissons tous de nom. Certains assurent que rien ne lui résiste. On comprend combien ils ont raison quand on sait ce qu'il transporte...
Ce tuyau, c'est la volonté.
