Les actualités rapportent régulièrement des épisodes choquants, où il est question de parents qui séquestrent leurs enfants, les battent, les abusent. D'une manière ou d'une autre, ils les humilient.
Comme il en est de tout iceberg, la partie cachée à l’œil est, en fait, de loin la plus massive. Aussi de nombreux drames, sans doute moins sordides mais qui restent encore douloureux, se nouent-ils chaque jour.
Certes, quand par bonheur on a soi-même été un enfant choyé et un adolescent épanoui, on a toutes les peines à imaginer que cette période puisse ne pas être heureuse. Qu'elle puisse, pour d'autres, représenter autre chose que les pires années de la vie. Car si certains s'intéressent à une vie après la mort, d'autres s'intéressent déjà à l'existence d'une vie avant la mort.

Étant donné que l'enfant contient le futur adolescent et que l'adolescent contient le futur adulte, un enfant ou un adolescent traumatisés accouchent d'un adulte qui ne ressemble à un adulte qu'extérieurement. C'est la partie visible de l'iceberg. Qu'en est-il de la partie immergée ? Eh bien, la structure intime est brisée. Physiquement, c'est éventuellement un adulte solide ; psychiquement, c'est un enfant meurtri.
L'enfant contient le futur adolescent, l'adolescent contient le futur adulte.
De façon générale, ce n'est pas la personne extérieure qui s'inscrit dans le monde, qui se réalise. C'est la personne intérieure. Tel individu pourra bien se donner des airs de battant ! Quand il passe par un événement qui exige de lui une décision lucide, si son être intérieur n'a pas assez eu l'occasion de se développer, ce qu'il vit devient une épreuve. Que d'autres trouvent la situation parfaitement anodine n'y change rien. La raison est fort simple : voici notre homme placé devant une situation pour laquelle il ne dispose pas des outils nécessaires. Dans sa perception à lui, la situation est devenue un défi.
Ce n'est pas tant la frustration de ne pas pouvoir relever le défi, et d'ainsi pouvoir récolter une forme de satisfaction, qui mine notre homme. Ce qui l'afflige, ce qui le révolte même, c'est une voix intérieure qui souffle :
— Si tu n'as pas les outils pour affronter la vie, ce n'est pas ta faute. Toi, tu n'aspirais qu'à être heureux. Ce sont tes parents qui, en t'écrasant, t'empêchent maintenant de croquer la vie à pleines dents, comme on croque un fruit bien juteux.
L'adulte, l'être extérieur, peste et s'emporte devant l'injustice de la vie. Et l'enfant, à l'intérieur, que fait-il ? Il pleure. Il pleure à son tour devant l'injustice, celle qui vient de ses parents cette fois. Car ils n'ont fait qu'annihiler son irrésistible pulsion de vie, au lieu de la développer à force d'amour et de confiance.
Cette situation est, en soi, déjà préoccupante. Elle peut toutefois encore empirer. À quel moment ? Nous répondrons à cette question dans la prochaine partie.